Suzanna Lorenz


Interview de Suzanna Lorenz - Chargée de production et ancienne étudiante de la chaire Média et Digital (promotion 2018-2019). 



J’ai réalisé mon stage de fin d’études chez Canal+ en développement commercial. Pendant ce stage, j’ai candidaté à un autre stage chez DEMAIN Conseil, un cabinet spécialisé dans le conseil pour les industries du retail, des loisirs et des médias. Je souhaitais continuer d’explorer les possibilités qui m’étaient offertes, et notamment, via un stage plus axé sur la stratégie et la gestion de projet. La perspective de travailler avec différents acteurs sur différents projets me plaisait aussi beaucoup. J’ai donc intégré le cabinet en janvier 2020 pour un stage et j’ai ensuite été embauchée pendant la période COVID. 

Pendant mes 3 ans chez DEMAIN, j’ai effectué plusieurs missions très variées. J’ai tout d’abord commencé par une mission pour différents acteurs de la presse, à la réorganisation d’une salle de rédaction et à la conception d’une stratégie d’abonnement.. Ensuite, j’ai travaillé pendant un an et demi pour France Télévisions, c’était réellement une mission intégrée chez le client, plus axée sur de la gestion de projet. Enfin, j’ai travaillé pendant un an pour la ville de Paris, sur un projet de lancement de deux plateformes pour la démocratie participative. 

Ces trois ans chez DEMAIN Conseil m’ont beaucoup apporté et m’ont permis de devenir plus mature professionnellement, de mieux savoir ce que je voulais faire. J’ai réfléchi pendant presque un an à mes envies pour la suite, et j’ai réalisé que j’avais envie de retourner en Afrique (j’avais fait mon stage chez Canal+ en Guinée). Je suis donc partie en fin d’année dernière au Sénégal pour travailler dans la production cinématographique. Actuellement, je travaille en freelance sur des projets de clips, de pubs, de documentaires. Je me charge aussi de trouver des financements et de la post-production. A long terme, mon objectif est de travailler sur des courts et longs métrages. 



C’est le résultat d’un long travail de réflexion qui a duré un an, je n’ai bien sûr pas pris cette décision du jour au lendemain. Comme je le disais, j’avais déjà vécu en Guinée avec mon stage chez Canal+, et j’avais vraiment envie de retourner en Afrique de l’Ouest et aussi de travailler dans la production. J’ai hésité pendant longtemps entre Abidjan et Dakar. Il se trouve que Dakar offre un environnement plus riche en ce qui concerne la production indépendante, et j’ai donc opté pour le Sénégal. 

Ce qui a été clé pour moi, c’est de réussir à faire une transition en douceur. Je n’ai pas quitté mon job de consultante du jour au lendemain, je suis partie en fin d’année dernière à Dakar en continuant à travailler pour DEMAIN à distance, tout d’abord à mi-temps, puis en diminuant progressivement pour un “atterrissage en douceur”. C’est certainement le meilleur conseil que je puisse donner à quelqu’un qui déciderait de changer de métier, de se lancer dans un projet ambitieux, c’est de trouver des modes de transition.  

Cette transition en douceur m’a permis de continuer à avoir un rythme de travail en arrivant à Dakar, et de ne pas me retrouver sans rien du jour au lendemain. J’ai pu commencer à me faire mon réseau sur place, à “tâter le terrain”, tout en ayant encore un filet de sécurité. Aussi, le fait d’avoir travaillé pendant trois ans en tant que consultante m’a permis de faire des économies pour pouvoir me lancer plus confortablement dans ce projet. 



Alors, ici très honnêtement, mon CV en soi ne me sert à rien, la majorité des projets se font au feeling. Ce qui me sert énormément par contre, c’est l’expérience que j’ai pu me forger à l’ESSEC et en cabinet de conseil. J’ai acquis une certaine assurance quand je vais voir des gens pour leur proposer de travailler ensemble, je suis capable de rebondir sur leurs propos, je suis capable de me former rapidement sur des sujets que je ne connais pas et surtout je suis capable d’avoir une bonne lecture des enjeux et besoins de mes potentiels clients. Je pense que la combinaison classe préparatoire, école de commerce et cabinet de conseil m’a vraiment permis d’avoir de la rigueur et un esprit stratégique et opérationnel. Cela me donne aussi les armes pour faire les bons choix et avoir l’assurance de refuser certains projets. 



Je souhaitais me spécialiser dans un certain domaine, avoir une spécialisation qui faisait sens vis à vis de mes envies pour mon entrée dans la vie active. Lorsque j’ai postulé, j’étais vraiment très axée sur la production cinématographique, et la chaire m’a permis d’ouvrir mes horizons, de découvrir d’autres métiers dans le domaine des médias, et cela m’a donné envie de travailler plus sur la stratégie médias. Le véritable plus de la chaire média est très certainement son orientation pratique et pas seulement théorique. On a la chance de rencontrer et de pouvoir discuter avec tellement d’acteurs du monde de l’audiovisuel et du cinéma.



C’est notre voyage à Los Angeles, et plus précisément quand nous sommes allés visiter les bureaux d’entreprises américaines, notamment Paramount. On a eu la chance de rencontrer des cadres de Paramount, on a vraiment eu un moment d’échange privilégié avec eux, et je leur ai posé de nombreuses questions. Cela nous permet aussi de se rendre compte qu’aux Etats-Unis, ils avaient une manière de penser tellement différente qu’en France, leur vision de l’écosystème média est si différente de la notre, notamment en ce qui concerne la recherche de financements. En France, les financements publics jouent un rôle encore important dans le financement de projets, ce qui n’est pas du tout le cas aux Etats-Unis. Cela les pousse à réfléchir constamment en pensant à l’audience et les cibles lorsqu’ils produisent des contenus. Cela est très inspirant pour moi aujourd’hui. Au Sénégal, il n’y a pas de modèle établi, tout est à faire et à penser, si je deviens productrice dans quelques années, il y a beaucoup à apprendre des modèles francais et américain, et la chaire m’a permis de prendre conscience de cela et d’ouvrir des horizons. 



Je dirais sans doute ne pas être carriériste. Je trouve que rétrospectivement les personnes les plus inspirantes ce sont les personnes qui ont fait les choses les plus insolites. J’aime beaucoup le terme de sérendipité (= Capacité, aptitude à faire par hasard une découverte inattendue et à en saisir l'utilité (scientifique, pratique). Pour moi, les choses arrivent progressivement, et c’est rétrospectivement qu’on arrive à reconstruire les morceaux petit à petit et à leur trouver un sens. Pour moi, il faut faire les choix au moment où on sent qu’on a envie de les faire, et ne pas réfléchir en termes de ce qu’elles peuvent nous apporter dans 5 ans. 



Quels sont mes rêves pour l’avenir ?