Laurine Deschamps


Interview de Laurine Deschamps - Global Brand Manager chez IO Interactive et ancienne étudiante de la chaire Média et Digital (promotion 2016-2017).


  • Peux-tu nous parler de ton parcours professionnel ?


Après l’ESSEC, j’ai décidé de prendre une année sabbatique afin de réaliser deux stages : un premier stage chez Orange en tant qu’Assistante Marketing, puis un deuxième chez Ubisoft comme Assistante Brand Manager. Avant ces deux stages, j’avais plutôt eu des expériences dans le domaine de la communication et ces deux stages m’ont permis d’avoir un déclic sur ce que j’avais envie de faire. Donc j’ai décidé de continuer mes études en suivant un Master en Marketing à l’EDHEC spécialisé dans les industries de l’entertainment.

Suite à cela, j’ai fait un dernier stage de fin d’étude dans la branche Xbox de Microsoft, toujours en Marketing.

Grâce à toutes ces expériences, j’ai obtenu un premier job chez Amplitude Studios (studio français de jeux vidéo), où j’ai été Brand Manager Junior pendant 2 ans.

Ensuite, j’ai décidé de partir à l’étranger, le secteur du jeu vidéo est global et cela m’apparaissait important d’avoir fait l’expérience d’un environnement international. Je suis donc partie à Malmö en Suède, chez Sharkmob. En tant que Marketing Specialist, je m’occupais du jeu Bloodhunt. J’y suis restée un an puis j’ai rejoint IO Interactive à Copenhague comme Global Brand Manager et je travaille actuellement sur notre prochain jeu.



  • Quel est ton job actuel ? Quelles sont tes missions principales ?


Je suis actuellement en charge de notre prochain jeu, à savoir un jeu à licence sur James Bond. IO Interactive est un studio, c’est à dire qu’il crée des jeux. Je suis donc en contact permanent avec les développeurs du jeu afin de comprendre au mieux le prochain “produit” qui va sortir, que ce soit en termes de Direction Artistique ou de Gameplay. À partir de toutes ces infos, il faut établir puis exécuter un plan Marketing. Actuellement, nous sommes dans une phase de réflexion sur l’image de la marque, sur la perception du jeu par les futurs joueurs, et également sur la proposition de valeur. Ainsi, on est plutôt actuellement dans une phase de stratégie et de planning. Pour donner un exemple très concret, on cherche à définir quand, par quels canaux et de quelle manière nous allons annoncer la sortie du jeu, on réfléchit à sa commercialisation, aux éléments uniques à mettre en avant.


Le domaine du Marketing étant très vaste, il y a de nombreuses branches à gérer, comme les réseaux sociaux, les relations avec les influenceurs, les événements ainsi que les partenariats…

Enfin, étant donné que notre prochain jeu est un jeu à licence (James Bond), il y a un travail de collaboration important avec tous les ayant-droits.


  • Qu’est-ce qui te plait dans ton job actuel ? Pourquoi avoir choisi de travailler dans le secteur du jeu vidéo ?


À l’origine, le jeu vidéo est une passion personnelle. Mon premier vrai stage dans le secteur était chez Ubisoft et il a constitué un déclic autant au niveau du secteur qu’au niveau des missions. Il y a bien sûr eu à un moment donné une réflexion sur le fait de travailler dans un secteur qui me passionnait et la possibilité de ne pas trop réussir à avoir un équilibre vie professionnelle - vie privée. Mais, en tout cas, si vous vous sentez capables d’avoir cet équilibre, c’est vraiment génial de travailler dans un secteur qui nous passionne !


Il faut savoir qu’il y a trois types d’entreprises dans le secteur du jeu vidéo :

  • Les éditeurs : Ils s’occupent de la stratégie marketing, du planning de petits studios qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour le faire eux-mêmes.

  • Les constructeurs : des entreprises comme Nintendo, Microsoft ou Playstation qui s’occupent des “medium” par lesquels on peut jouer aux jeux

  • Les studios : Les créateurs des jeux à proprement parler


Personnellement, c’est le studio qui m’a le plus plu, car c’est ici qu’on peut être le plus proche du produit. Il existe des entreprises énormes comme Ubisoft, qui sont à la fois studio et éditeur, et qui sont tellement grandes qu’il est plus compliqué d’être en contact direct avec le produit et les créateurs du jeu.



  • Peux tu nous expliquer plus en détail ce qu’est le Brand Management ?


Une définition traditionnelle du Brand Management est de réussir à positionner un produit sur le marché pour qu’il se vende au mieux.


En pratique, c’est un travail en deux temps :

  • Tout d’abord, un travail de compréhension du marché : son état actuel mais aussi son état futur étant donné qu’on travaille parfois dans le présent sur des jeux qui vont sortir dans quelques années. Il faut donc essayer de prédire et prévoir quel sera l’état du marché à moyen terme.

  • Ensuite, un travail de compréhension des consommateurs : leur profil, leurs habitudes de consommation, leurs centres d’intérêt


Notre but ultime est de créer une image positive et une proposition intéressante pour le joueur, et essayer de ne pas “survendre” le jeu afin que les joueurs aient des attentes raisonnables et qu’ils ne soient pas déçus lors de la sortie du jeu.


  • Quelles sont les spécificités du secteur du jeu vidéo pour le Brand Management ? En quoi la stratégie marketing va différer par rapport à d’autres types de média ?


Dans le secteur des médias, le jeu vidéo est le plus engageant, tout simplement car c’est un média interactif. Les joueurs sont beaucoup plus engagés dans l’écosystème économique du jeu vidéo. Ils connaissent les entreprises et l’état du marché. Ainsi, à l’inverse du cinéma ou de la musique, les joueurs sont souvent fans d’un studio et non d’un jeu ou d’un artiste en particulier. Certains vont même jusqu’à analyser les rapports financiers des studios pour prédire la sortie future d’un jeu.

En outre, il existe des événements, des rendez-vous à ne pas manquer dans le secteur et sur lesquels il faut être présent. De plus en plus de personnalités du monde du divertissement participent à ces événements pour annoncer les prochaines sorties, comme Keanu Reeves pour Cyberpunk 2077 il y a trois ans.

Ensuite, le Jeu Vidéo est un produit global, il faut donc être capable de coordonner la sortie d’un jeu dans différents pays aux fuseaux horaires différents, cela demande donc une grande coopération. Il y a donc un travail de localisation des machés pertinents. Le plus souvent, les marchés cibles sont les USA, les pays hispaniques, la France, l’Allemagne et l’Angleterre. Pour les jeux à plus gros budget, il y a parfois une tentative de ciblage des pays asiatiques même si les marchés occidental et asiatique sont très différents.

Troisième point, le Jeu Vidéo devient un produit de plus en plus digital et il faut donc adapter le plan de communication en conséquence. Nos canaux principaux sont donc les réseaux sociaux, les influenceurs et la plateforme Twitch, et de moins en moins l’affichage publicitaire classique.

Enfin, une fois que le jeu est sorti, le travail de rétention du joueur continue. Certains jeux (les jeux campagne live par opposition aux jeux premium) continuent de proposer des améliorations aux joueurs des mois après sa sortie. Il y a donc une stratégie de monétisation et de rétention à mettre en place. Contrairement à un Brand Manager dans le cinéma ou l’édition, un Brand Manager dans le jeu vidéo peut passer des années sur le même produit après sa sortie.



  • Qu’est-ce qui t’a poussé à rejoindre la chaire et qu’en as-tu retiré ?


J’étais en dernière année du programme BBA quand j’ai décidé de rejoindre la chaire Média. J’étais déjà intéressée par le secteur du jeu vidéo mais je restais ouverte aux autres branches comme le cinéma. Ma priorité était de décrocher un premier emploi dans le secteur des médias. Le Programme BBA était polyvalent mais n’offrait pas de réelle spécialisation. La chaire média m’a justement apporté cette opportunité de me spécialiser, ce qui a constitué une énorme valeur ajoutée.

Elle m’a aussi apporté une énorme ouverture sur le secteur et une grande curiosité. On a eu la chance de rencontrer des intervenants de qualité, d’une grande diversité de parcours. Il y avait une réelle approche pratique. Enfin, même au sein de la chaire, les étudiants avaient tous des profils variés, une motivation propre et une idée de parcours assez construite, ce qui rendait les échanges extrêmement riches.


  • Quel est ton meilleur souvenir de la chaire ?


Le meilleur souvenir reste le voyage dans la Silicon Valley. On a pu visiter tellement d’entreprises : Netflix, Dreamworks, Universal Music, Warner. On a également eu un gros focus sur la réalité virtuelle, notamment via une visite chez WeVR. Cela m’a beaucoup inspirée, et j’ai même postulé chez Orange à la suite de cela pour travailler sur leur application de Réalité Virtuelle.


  • Quels seraient tes conseils pour les étudiants de la chaire ou ceux intéressés ?


Les 6 mois de chaire ont été les mois les plus intenses de ma vie. Il faut prendre conscience que la chaire va nous permettre de vivre des expériences et de faire des rencontres que peu de professionnels vont avoir la chance de faire. Il faut donc profiter à fond de la chaire et réaliser la chance que vous avez. Il ne faut pas hésiter à s’investir, à poser des questions aux intervenants, même lors des tables rondes qui à première vue vous intéressent moins. Il ne faut pas se fermer de portes à d’autres secteurs !



  • Quelle est la question que tu aurais voulu qu’on te pose ?


J’aurai aimé qu’on me demande si la chaire m’avait préparée à travailler sur une licence comme James Bond ?

La réponse est oui, la chaire m’a aidée puisque je suis en contact avec beaucoup de partenaires du secteur de la musique ou du cinéma qui ont contribué au statut de l’IP. La Chaire m’a effectivement permis d’avoir une sensibilité pour les secteurs voisins avec lesquels je travaille.