Conférence : le jeu vidéo – le média roi ? Avec Alexandre de Rochefort, CFO et Secrétaire Général de Gameloft – mercredi 4 avril 2018


La Chaire Media & Digital de l’ESSEC, le réseau des Correspondants d’Entreprises et le club Médias & Communication ESSEC Alumni sont très heureux de vous recevoir pour une conférence exceptionnelle.



Cette dernière aura lieu le mercredi 4 avril 2018 à 18h30 à l’ESSEC Executive Education (CNIT – Amphi 103) 92053 Paris La Défense.



Inscrivez-vous gratuitement dans la limite des places disponibles auprès de Laetitia Rolland (rolland@essec.edu – 01 34 43 36 16).

2

Quelle résilience pour l’industrie des médias de création?

Réfléchir la résilience des médias de créations à travers les prismes de la législation et de ses structures de marché

Les contraintes physiques de la Covid ont des répercussions sur le fonctionnement des modèles économiques et opérationnels de l’industrie de création et du digital, à court et moyen terme.

Une première dimension à prendre en compte pour envisager les conséquences de la pandémie sur le fonctionnement de l’industrie est la régulation politique et économique dont elle est l’objet.

D’une part, les médias sont des biens publics (il n’y a pas de rivalité entre les agents pour leur consommation, au sens où la consommation d’un média par l’un d’eux n’empêche pas sa consommation par les autres), dont la consommation est encouragée par l’État. D’autre part, l’industrie des médias doit assurer partiellement, ou en totalité, le financement de ses activités par la publicité. Ayant basculé dans une économie de plateforme (two-sided market), attirer de plus en plus d’annonceurs est devenu vital pour continuer à accroître son offre. Penser les conséquences de la pandémie, c’est donc bien les envisager en termes d’économie publique et d’économie industrielle.

Concrètement, cela implique de réfléchir sur la structure des marchés médiatiques actuels (qui est fortement concentrée), sur les stratégies de discrimination (ces dernières ont pour objectif de faire payer des prix différents pour le même bien, postulant que ces différences reflètent l’hétérogénéité des préférences et des revenus du consommateur) et/ou de versioning mises en oeuvre. Les stratégies de versioning (un même contenu est offert sous plusieurs formes – par exemple, un livre broché ou en version de poche) sont au fondement de la chronologie des médias française, qui établit le lien entre le cinéma et la télévision.

Malgré son actualisation en novembre 2019, il est apparu pendant le premier confinement que cette chronologie n’était pas à la hauteur de ses ambitions. On peut penser à la règle des “jours interdits” qui interdit aux chaînes en clair de programmer des œuvres cinématographiques à certains moments de la semaine. Une restriction pensée initialement pour ne pas concurrencer la salle de cinéma à des horaires stratégiques, mais qui est aujourd’hui anachronique tant nos habitudes de consommation sont bouleversées par les plateformes de SVoD. De fait, les mesures prises lors de l’été 2020 (assouplissement des plafonds annuels de diffusion d’oeuvres cinématographiques, mais également sortie de Mulan sur Disney+ au prix fort de 29,90€ sans passer par les salles) signalent les modernisations nécessaires de la chronologie alors que les mutations du secteur se sont intensifiées.

Une deuxième dimension importante est le caractère prototypique des industries du média et du digital. Ce caractère explique en partie les transformations cycliques et chaotiques de ces industries. Les filières cinématographiques ont tour à tour été dominées par les producteurs, les distributeurs, et par les réalisateurs. Chaque mouvement musical naissant (punk, rap, grunge, électronique…) repose sur la liberté d’expérimenter, avant l’institution de formules plus stéréotypées. Comprendre la production à un moment donné signifie donc examiner la chaîne qui relie les actionnaires, les dirigeants, les distributeurs, les créateurs, les techniciens. Cependant, la pandémie bouleverse ce mécanisme rondement mené: comment investir ce terrain d’échange lorsque son occupation physique n’est plus possible? Si le deuxième confinement suit des modalités différentes du premier, il met toutefois en lumière les mutations du secteur, de plus en plus digitalisé.

Réfléchir la résilience des médias à travers l’innovation et la créativité

L’innovation et la créativité du secteur sont clefs dans la résilience du secteur, et on peut en effet noter l’apparition de nouveaux formats dans le paysage médiatique.

Dans l’audiovisuel, on peut penser à l’intégration d’échanges par Zoom ou FaceTime dans les émissions live. C’est d’ailleurs l’un des secteurs les plus innovants qui s’est particulièrement démarqué lors des deux confinements: celui des jeux-vidéos. Le titre de “jeu du confinement” est sans aucun doute décerné à Animal Crossing: New Horizons, qui a permis à des millions de joueurs de renouer un lien social fort qui n’était plus possible dans les lieux physiques. La créativité du jeu va de pair avec la créativité des joueurs eux-mêmes. Associé aux ventes de Switch, Nintendo affiche ainsi un doublement de son résultat d’exploitation entre avril et septembre 2020 vs. 2019.

Il se distingue donc, depuis bien longtemps déjà, mais encore plus dans ce contexte, que ce sont les contenus les plus interactifs et les plus accessibles en format numérique qui sont les plus engageants, et donc les plus réussis. Mais comme le soulignait l’article précédemment publié, la manière dont le virus a atteint l’industrie révèle une fracture forte entre les médias dont la bascule numérique est accomplie et les autres. Dans le domaine musical, si les livestreams retransmis grâce à l’initiative United We Stream, mise en place par Technopol en France, mettent un peu de baume au cœur, DJ et auditeurs restent sur leur faim et n’attendent qu’avec impatience la réouverture des clubs. Il est probable que cette façon d’apprécier la musique électronique soit moins populaire après la fin des restrictions sanitaires. Les médias sont de plus en plus digitaux, certes, mais ne restent pas moins ancrés dans le réel.

Quels outils pour cette résilience, donc? On peut être confiants dans le fait que les turbulences qu’ont connues les modèles économiques traditionnels pendant la pandémie (effondrement du marché publicitaire pendant le premier confinement) ne signent pas leur fin. Outre les mesures législatives, la réponse des industries du média et du digital peut prendre appui sur ce qu’elles savent faire de mieux: innover dans ses services, créer des contenus d’information, artistiques et de divertissement pour tous, continuer à constituer le medium entre chaque individu.